mercredi 19 avril 2017 Littérature

Le Secret de la Dame en Rouge - Béatrice Bottet

En cette fin du XIXème siècle, on prépare à Paris l'exposition universelle, et l'inauguration de la Tour Eiffel. Violette Baudoyer se réfugie dans la capitale après avoir fui sa famille, qui cherchait à la marier de force. Elle est recueillie par Madame Bouteloup, et formée à la voyance au sein de la bonne société. Florimond Valence est quant à lui journaliste aux Nouvelles du matin, et mouchardeur pour le commissaire Aristide Barjoux. Lorsque le corps d'une femme est découvert dans le quartier de Belleville, Florimond doit élucider l'affaire. C'est alors qu'il va croiser la route de Violette... Qu'a-t-elle à voir avec ce meurtre ? Est-elle menacée ? Florimond peut-il l'aider ?

 

Béatrice Bottet

Érudite, passionnée d’Histoire, d’univers fantastiques et d’ésotérisme, Béatrice Bottet est une romancière aux talents multiples. Elle a été professeur de Lettres et d’Histoire, dans sa jeunesse.

Elle poursuit dorénavant une double carrière : l’écriture romanesque et d’aventure pour la jeunesse et les ouvrages documentaires.

On lui doit, entre autres, Rififi sur le Mont Olympe, Du rififi pour Héraklès, Fille de la tempête, l’encyclopédie du fantastique et de l’étrange et, bien sûr, toute l’épopée qui conte les apparitions du Grimoire au rubis à travers les âges.

Le Secret de la Dame en Rouge est son dernier roman qui sortira le 20 Avril 2017 aux éditions Scrineo.

Contexte - Le Paris de la Belle Epoque

Le Secret de la Dame en Rouge se déroule durant la période appellée "Belle Epoque".

Image associéeLa Belle Époque est une période marquée par les progrès sociaux, économiques, technologiques et politiques principalement en France et Belgique de la fin du XIXème siècle au début de la Première Guerre mondiale en 1914.
En Angleterre, nous sommes à la fin de la célèbre époque Victorienne. (Du nom de la Reine Victoria)

La condition des femmes à la Belle Époque est marquée par des changements politiques et sociaux affectant celles-ci de façon assez disparate. Toutefois, la majorité des femmes voient perdurer un système multiséculaire où la question de l'émancipation ne se pose pas et dont les missions sont d'assurer les tâches familiales et la maternité.
Et là, c'est le drame pour notre héroïne ! Il est hors de question que cela se passe comme ça !

Les femmes pauvres qui travaillaient comme ouvrières ont dû faire face, avec l'avènement de la seconde révolution industrielle à des charges de plus en plus contraignantes, dans des conditions souvent exténuantes et sous-payées. En revanche, dans la bourgeoisie et l'aristocratie des grandes villes, des mutations s'opèrent au niveau structurel : le rôle de femme au foyer devient la norme, et même un objectif stratégique en raison de la quasi-impossibilité pour les femmes d'obtenir un salaire décent. (La chasse au bon mari est ouverte !)

Dans le même temps, pour la petite bourgeoisie, les femmes voient apparaître la possibilité de faire des études et d'occuper des emplois nouveaux comme l'enseignement ou le journalisme et, pour les plus aisées et chanceuses, une relative libération des mœurs qui leur permet de plus facilement côtoyer les hommes. Ainsi, on peut observer des femmes s'adonner en public à la pratique d'un sport, comme par exemple le tennis. D'autres encore s'engagent en politique, comme les suffragettes. Enfin certaines, comme Marie Curie dans le domaine des sciences, deviennent des pionnières en étant les premières femmes à obtenir une reconnaissance dans des milieux qui, malgré ces changements, restent à la veille de 1914 essentiellement toujours très masculins. (wiki)

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Madame Euryale vs Mademoiselle Violette

A cette époque, il est d'usage que les filles de famille obéissent à leur père et qu'elles se marient sans faire d'histoire et mieux, qu'elles fassent honneur. C'est loupé avec Violette. Il faut dire que le choix de papa Baudoyer laisse à désirer et n'est motivé que par l'appât du gain.
Une fille, ça ne sert à rien, juste à être vendue pour ce charmant père de famille. Plus que les deux scientifiques fous, monsieur Baudoyer est le personnage le plus détestable de ce roman.
Pour échapper à ce sort funeste, la jeune Violette quitte donc le domicile familial et monte à la capitale à la recherche d'une cachette la mettant à l'abri des ambitions paternelles. Optimiste, notre héroïne est partie la fleur au fusil. Un peu trop peut-être ?
Heureusement sa route va rapidement croiser celle de la mystérieuse madame Bouteloup.

Violette n'est pas non plus sans ressources et possède un don un peu particulier... Elle peut lire le passé et l'avenir dans l'eau ! Notre jeune demoiselle est une voyante dont les prédictions s'avèrent toujours justes.

"Le monde était une énigme inexplicable, et par un étrange don du ciel, j'avais la possibilité d'en voir un peu plus que le commun des mortels.
Aucun rêve, aucun ange, aucune apparition d'une vieille sorcière qui m'aurait lancé des paroles sibyllines, rien ne m'avait alertée ou éclairée. J'étais comme ça. D'autres naissent avec une fossette, un don pour le dessin, une tache de vin, l'art d'attirer les oiseaux et les animaux. Moi non. Moi, j'étais dotée du don de voir dans l'eau l'avenir et le passé."

Madame Bouteloup est un personnage ambigü. Elle aime l'argent et exploite sans vergogne les dons de sa protégée et en même temps elle la protège et lui offre un foyer, somme toute, chaleureux. La Faisandière, résidence de madame Bouteloup devient ainsi la seconde maison de Violette. Un lieu plein de vie, de disputes et de mystères !
Après avoir recueillie Violette, Madame Bouteloup lui apprendra à devenir une voyante professionnelle. Mais pas de n'importe quel accabit ! Une voyante de haut vol !

"Finies, la campagne et l'aimable folie sise au milieu des bois et des prés. La Faisandière était aujourd'hui cernée d'immeubles de rapport, de cabarets, de masures et de taudis construits à la va-vite et qui ne mettaient pas longtemps à se dégrader. Je ne sais pas si l'édifice se nommait La Faisandière parce que c'était une belle réserve de chasse au gibier à plumes, ou parce que, comme je l'appris plus tard, l'argot nommait "faisan" les escrocs et autres individus louches de la même farine. La Faisandière avait été un repaire de voleurs, à une époque lointaine."

Accompagné de son chaperon Ernest Marescot, aussi amant de Madame Bouteloup, Violette fera son entrée dans le grand monde sous le nom de Madame Euryale. Un pseudonyme sensé donner plus de prestige et de mystère à son personnage de voyante. Après quelques essais très concluants Violette devient rapidement la coqueluche des salons et des soirées huppées.

Pourtant... Tandis que Violette travaille d'arrache pied visions pour rembourser sa débitrice, un drame se déroule dans les rues de Paris... Un fou rôde et tue. Sa marque de fabrique ? Ses victimes n'ont plus de cerveau !
Qu'est ce qui peut bien les relier entre elles ? Qui sont-elles ? Autant d'énigmes que le commissaire Aristide Barjoux aimerait bien découvrir. Et vite ! Cela va sans dire.
A court de solution, il finit par embaucher bon grè mal grè (surtout mal grè) un jeune journaliste un peu spécial... En effet, Florimond Valence écrit sur la nuit et connaît très bien le monde interlope qui éclot dès les derniers rayons de soleil disparus.

Les chemins de Violette et Florimond vont d'abord se croiser et se recroiser de façon tout à fait fortuite autour de ces malheureux meurtres et de l'enquête que mène le jeune homme. Les pouvoirs de la jeune fille laissent Florimond sceptique. Il n'y croit pas, même si il reconnaît qu'il y a quelque chose... Il faut dire que niveau bizarrerie, sa famille est plutôt pas mal ! (spéciale dédicace à Soeur Annonciade !)
Violette doit cacher sa véritable identité et se réfugier dérrière son personnage de Madame Euryale. S'ensuit un véritable jeu de cache-cache entre Florimond et Violette. Le jeune homme, plutôt perspicace, ne tarde pas à faire le rapprochement.
Les liens professionnels laisseront rapidement place à des sentiments beaucoup plus personnels malgré un contexte chaotique. Le Secret de la Dame en Rouge entremêle enquête et romance tout en douceur. Un délicieux moment de lecture.

Toutefois, la romance c'est bien joli, mais les meurtres sont toujours là ! Béatrice Bottet a opté pour un choix assez singulier : nous savons dès le début qui tue et pourquoi ! Ce procédé narratif permet de mettre en place un véritable jeu du chat et de la souris entre les différents protagonistes et instaure une ambiance de suspense et d'effroi selon les retournements de situations.

L'intrigue scientifique/policière est tout à fait crédible pour cette époque. En effet, les espoirs et projets fous des frères Francis et Georges Collenot s'inscrivent parfaitement dans cette ère où la croyance en un progrès de l’humanité anime une bonne partie des élites françaises, notamment dans les sciences.
La Belle Époque représente le temps de l'avènement de l'idéal des Lumières et permet l'apparition d'un grand nombre de réalisations artistiques et technologiques. (radio, électricité, automobile, etc) Les expositions universelles voient le jour à cette période, et se tiennent tous les ans, dont plusieurs fois en France.

Qui de l'occulte ou des sciences gagnera ?

Béatrice Bottet entretient avec brio le suspense tout au long de son roman, campant des personnages souvent ambigüs et haut en couleurs, qui ne sont parfois pas ce qu'ils semblent être. C'est avec plaisir que l'on découvre un Paris caché où il est dangereux de s'aventurer sans être préalablement préparé et... Bien accompagné !

Le Secret de la Dame en Rouge est savant mélange de paillettes, de mystères, d'enquête et de dangers saupoudrés d'ésotérisme. Un excellent moment de lecture.

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Autres romans

La lecture du Secret de la Dame en Rouge m'a fait penser à d'autres romans dont ceux d'Ann Perry et Ann Granger. Ces derniers se passant sur le sol britannique.

Afficher l'image d'origineSi vous aimez ce type de roman, je vous conseille aussi Eros Automaton de Clémence Godefroy aux éditions du Chat Noir. Une roman mêlant enquête, automates et romance à la Belle Epoque. Un récit léger et divertissant, parfait pour les journées de printemps au soleil !

 

L'intrigue du roman de Béatrice Bottet m'a aussi rappeler une des aventures de Comte Cain dans la série éponyme de Kaori Yuki. En effet, le jeune Comte Cain Hargreaves lutte depuis des années contre une mystérieuse société secrète, Delilah, qui au nombre de ses méfaits, teste des expériences contre nature sur des êtres humains - dont la jeune Merediana, qui se révèle avoir quelques pouvoirs de voyance.
Une ambiance gothique et une romance tragique pour les 2 tomes concernés : La marque du bélier rouge 1 & 2.

Sans conteste une de mes séries de manga préférée !

Et enfin, une troisième réfèrence : Le Protectorat de l'Ombrelle de Gail Carriger - Sans Âme. Dans un univers victorien où les naturels côtoient les être surnaturels, Alexia Tarabotti est une erreur. Cette dernière est une paranaturelle. C'est à dire qu'elle annule les pouvoirs des surnaturels. Bref, elle est beaucoup trop dangereuse pour être laissée en liberté. A côté des préoccupations des bestioles surnaturelles, une société secrète s'intèresse aussi de très près à la demoiselle... Son but ? Découvrir le poids de l'âme ! Et pour cela, tout les moyens sont bons (surtout les pires !).

 

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Le Secret de la Dame en rouge par Bottet

 

Auteure : Béatrice Bottet

Editions : Scrineo

Illustration : Noémie Chevalier

Nombre de page : 352p

ISBN : 978-2-36740-486-8