Le Comptoir de l'Ecureuil

Trois semaines séparent Tristabelle Carmine du Grand Bal de la Reine. Trois semaines pour trouver la robe de ses rêves, un masque, une nouvelle paire d’escarpins… et aussi un moyen d’entrer au Palais. Car Tristabelle n’a pas été invitée. Mais ça, c’est un détail. Tout comme les voix dans sa tête ou cette minuscule série de meurtres qui semble lui coller aux talons.

En tout cas, elle ne compte pas rater la fête. Quitte à écumer les bas-fonds surnaturels de Grisaille, frayer avec des criminels, travailler dans une morgue ou rejoindre un culte. S’il le faut, elle ira même jusqu’à tuer demander de l’aide à sa petite sœur. Car Tristabelle Carmine est une jeune femme débrouillarde, saine et équilibrée. Ne laissez pas ses rivales ou ses admirateurs éconduits vous convaincre du contraire. Ils sont juste jaloux. Surtout les morts.

 "Il faut souffrir pour être belle. Ou faire souffrir les autres, c’est encore mieux."

Après Merry la voleuse malchanceuse, découvrez Tristabelle, l'aînée au coeur de pierre !

Dé-ci-dé-ment, les sœurs Carmines ne sont pas normales !

Dans le premier tome des Sœurs Carmines - Le Complot des corbeaux, nous rencontrions Merryvère, la cadette des trois sœurs, une monte en l'air quelque peu malchanceuse. Dans ce second volet, Belle de Gris, Ariel Holzl nous propose de découvrir Tristabelle, une sœur aînée au caractère particulier... (A se demander si la mère n'a pas choisit des géniteurs différents seulement pour faire des expériences !)

Car le soucis, c'est que Tristabelle n'a pas de cœur. Ne ressentant rien, elle ne recule devant aucun sacrifice pour atteindre ses objectifs et la mort des gens (surtout ceux qui se battent pour elle) ne lui fait ni chaud, ni froid.
Tout aurait pu continuer ainsi, mais la Bal de la Reine approche et il-faut-y-être ! Question d'honneur et de... Pouvoir ! Ni une ni deux, notre psychopathe héroïne commence à rassembler les différents parties de sa tenue de combattante bal. Car n'oublions pas de préciser que l'enjeu de cette soirée est de taille : la Reine va choisir sa dame de compagnie.
Autre petit détail in-si-gni-fiant, Trista est fauchée. Elle décide donc plusieurs choses : un, voler ou faire voler des invitations, deux prendre un petit boulot, trois... Forcer un peu les choses pour obtenir une robe digne de ce nom ! Pourtant tout ne se passe pas comme prévu, Tristabelle un peu trop sûre d'elle, ne fait pas trop attention à qui elle demande des services, ni qui elle vole exactement (Bon, ok, elle dirait emprunter et ajouterait que ça lui sied beaucoup mieux qu'à "elles".)... Bref, à force de laisser des cadavres dans son sillage, même en plein hiver, ça finit par se sentir voir.
C'est ainsi qu'elle se retrouve affublée d'un cavalier inspecteur quelque peu encombrant et qui en plus ne se laisse pas impressionner par sa beauté ! Hor-ri-pi-lant !
Il faut dire que l'inspecteur Creusombre est une espèce rare, il ne lâche jamais prise ! Et cette Tristabelle Carmine l'intrigue. Comment se fait-il qu'autant de cadavres se ramassent après son passage ? Ce n'est pas normal ! Surtout que celle-ci clame son innocence... Et si c'était vrai ? La relation entre ces deux personnages évoluera tout au long du roman et j'ai pris grand plaisir à essayer d'en déterminer l'issue.

Dans Belle de Gris, on suit deux fils conducteurs : la recherche de Tristabelle de sa tenue pour le bal et l'enquête du charmant très ennuyeux inspecteur, le tout saupoudré de meurtres, d'émeutes, de règlements de compte, de quelques secrets de derrière les fagots et de moult tasses de thé bien sucrées.
On retrouve la plume enlevée et pleine d'humour noir d'Ariel Holzl avec énormément de plaisir (A noter que je viens de découvrir un synonyme d'humour noir : humeur de potence. Vous connaissez ?). De plus, j'ai eu l'impression qu'il se lâchait beaucoup plus sur les piques assassines et le caractère de Tristabelle qu'avec Merryvère et cela s'en ressent et dans l'intrigue et dans les échanges entre les protagonistes. Il faut dire que rien que le comportement de Tristabelle envers la gente masculine fait déjà beaucoup rire, même si elle se montre cruelle et sans pitié !

"La gaucherie de Thomas en matière de bagatelle a quelque chose de touchant ; on croirait un peu voir un chiot amputé des pattes qui persévèrerait à courir après sa queue. Pour ma part, cela ne me donne qu'une envie : l'achever."

Roublarde, manipulatrice, froide, calculatrice, cruelle... Qui donc pourrait l'apprécier ?!
Mais nous pardi ! Ou peut-être qu'un jour...

"Et puis, les maris, c'est comme les chatons : ils paraissent mignons au début, mais ils grossissent, réclament de plus en plus d'attention et risquent même de vous faire des petits. Vous finissez par ne plus avoir qu'une idée en tête : noyer tout le monde."

Quoique en y réfléchissant bien, cela paraît impossible !

Bref, vous l'aurez compris, fréquenter Tristabelle Carmine est beaucoup moins dangereux sur papier qu'en réalité ! (Et aussi beaucoup moins fatigant !) Dans ce tome, Tristabelle n'est pas seule et nous recroisons aussi Dolorine et Monsieur Nyx (fidèle à lui-même), ainsi que la mère des trois sœurs et leur nouveau petit frère.
Mais au fait... Que sont devenus Merryvère et le beau Blaise ? A vous de le découvrir.

Et ensuite ? Petite interview d'Ariel Holzl !

Estelle : Parle-nous un peu de toi, qui se cache derrière cette plume (assassine) ?
Ariel : Pendant que je cherche un nom de plume pour continuer ma carrière de tueur* en série impunément, Ariel Holzl reste mon véritable patronyme… Mon prénom provient de La Tempête de Shakespeare ; je baigne donc dans la littérature fantastique depuis le début ! J’ai commencé à écrire « sérieusement » il y a une dizaine d’années, mais sans jamais franchir le cap de l’édition. Quand je n’écris pas, je travaille dans le milieu du cinéma ou du jeu vidéo, en communication.

 *de personnages fictifs. Pour le moment.

Estelle : Comment est née cette trilogie ? Pourquoi le genre de l'urban fantasy ?
Ariel : La nature, les arbres, les p’tits oiseaux… je dis NON ! Bétonnez-moi tout ça ! Au lance-flammes, les écureuils !

Plus sérieusement, je suis quelqu’un de profondément urbain, qui adore la ville, son architecture et les interconnexions avec ses habitants (humains ou non). J’aime aussi créer de l’inattendu dans mes textes, en faisant se percuter des genres littéraires apparemment opposés ou en transformant des éléments réalistes en éléments fantastiques (à la façon du « réalisme magique » que j’apprécie beaucoup).

Enfin, je privilégie les « tranches de vie » de personnages plutôt que les intrigues plus complexes où les personnages ne sont que des sortes de rouages. Dans un tel contexte, le cadre et l’environnement deviennent de facto des personnages à part entière, en interagissant avec les autres personnages au quotidien. L’urban fantasy me semblait donc la voie tracée pour regrouper tous ces points.  

Au niveau de la genèse même du projet, ça tient plutôt du coup de chance : un concours de nouvelles m’a permis d’être sélectionné et publié dans une anthologie sur le thème de l’utopie. J’ai ensuite décidé de contacter les éditions Mnémos qui faisaient partie du jury. Ils étaient en plein lancement du label Naos et cherchaient de nouveaux auteurs à mettre en avant dans cette collection. Je leur ai donc pitché les Sœurs Carmines et leur réponse a été enthousiaste ! 


J’avais depuis longtemps envie d’écrire une série avec des héroïnes qui ne soient pas des « Mary Sue » en puissance, des filles et des femmes fortes mais loin d’être parfaites. Je souhaitais également m‘atteler à de la littérature jeunesse « écrite », sans chercher à simplifier le style à outrance sous prétexte de toucher le plus large public possible. Et avant tout, il s’agissait de produire une série que j’aurais aimé moi-même lire en étant plus jeune.

Estelle : L’intrigue m'a totalement séduite, et les trois sœurs campent de forts caractères. Dans Belle de Gris, on retrouve l'aînée Tristabelle, dont les appétits de reconnaissance sont loin d'être petits petits.
Lorsque tu as créé ces personnages, tu t'es inspiré de personnages réels, de ta connaissance ?
Ariel : Oui et non : les inspirations de mes personnages sont plutôt fictives. J’ai repris des archétypes bien connus, des amalgames de clichés usés et de caricatures abusives, auxquels j’ai ensuite essayé de donner plus de consistance et une petite touche d’originalité au fil du récit.

Néanmoins, j’ai une petite sœur, et elle a trimballé pendant des années une peluche en lui parlant souvent. Alors peut-être que…

Estelle : A part Merryvère, un poil moins meutrière, Tristabelle et Dolorine sont plutôt des tueuses... Besoin d’extérioriser ?
Ariel : Oui, je hais tout le monde. Sauf mes lectrices, é-vi-dem-ment !

Estelle : L'intrigue bien que légère et acidulée recèle des parts d'ombres. Tu as toujours souhaité créer un climat où la mort rôde ? 
Ariel : A l’origine de l’intrigue, je suis parti du postulat suivant :
« Quel est la valeur fondamentale de toutes les sociétés humaines , celle qui s’est toujours affirmée comme prioritaire pour la majorité des gens ? »
Réponse : la vie, la protection de l’intégrité physique des gens.
Je me suis alors imaginé à quoi ressemblerait un monde où l’on considérerait que le droit de vivre n’est pas si important que cela…
C’est sur cette base que Grisaille s’est érigée, dans un climat d’ambivalence morale, où l’on préférait éviter de mourir, mais où deux ou trois décès ne sont pas la fin du monde…  Ou dix, ou cent…
Les citoyens de Grisaille ont un comportement tout à fait blasé face à la Grande Faucheuse.  Il faut dire que la présence de créatures surnaturelles et de périls mortels à tous les coins de rue ne les aident pas… 
Ensuite, j’ai créé une héroïne qui aurait le même point de vue que nous sur sa propre société, afin de nous servir de « guide touristique » par ses mésaventures au quotidien. Mais il ne faut pas s’y tromper : pour Grisaille, c’est Merryvère Carmine qui est une anomalie ! Ses sœurs sont davantage en osmose avec « l’esprit » de la ville.

Estelle : Un second roman vraiment très réussi ! Tu as eu des inspirations particulières ?
Ariel : Beaucoup d’auteurs anglo-saxons avant tout, car j’ai voulu créer un univers dans un entre-deux linguistique, culturel et historique anglo-français. Dans Grisaille, il y a du Londres de Charles Dickens et de Neil Gaiman (Neverwhere), de l’Ankh-Morpork deTerry Pratchett, ainsi que du Paris de Zola, d’Alexandre Dumas ou de Victor Hugo.
Le narrateur omniscient du premier tome, avec son point de vue très « documentaire animalier » et plein d’ironie, tient aussi beaucoup des écrits de Pratchett ou Douglas Adams.
L’atmosphère gothique s’inspire d’Edgar Alan Poe, des classiques comme Mary Shelley ou Bram Stoker, mais aussi de Tim Burton et Guillermo Del Toro pour des références plus cinématographiques. Même de jeux vidéo, tels que Bloodborne chez From Software ou Grim Fandango de LucasArt.
Enfin, pour les personnages, en vrac : la Famille Addams, Courtney Crumrin, The Goon, Coraline, Nobody Owen, Suzan Sto Hellit, Arsène Lupin, Catwoman (dans Batman Returns), Jessica Rabbit, Patrick Bateman d’American Psycho…

Estelle : Et la petite dernière, sur quoi travailles-tu désormais ?
Ariel : Je travaille sur la petite dernière, justement : le troisième tome des Sœurs Carmines, consacré à la benjamine de la famille, Dolorine, et sa poupée angélique, Monsieur Nyx. Il s’agit de parodier un peu les romans « d’écoles », ces académies et ces pensionnats pour enfants très spéciaux façon « Harry Potter ». Ici, Dolorine va aller à l’école pour apprendre à survivre… à l’école.

Auteur : Ariel Holzl

Editions : Mnémos

Illustration : Melchior Ascaride

Nombre de pages : 320 p

ISBN : 978-2-35408-603-9