Dans une Antiquité imaginaire, le vieux Tsongor, roi de Massaba, souverain d'un empire immense, s'apprête à marier sa fille. Mais au jour des fiançailles, un deuxième prétendant surgit. La guerre éclate : c'est Troie assiégée, c'est Thèbes livrée à la haine. Le monarque s'éteint; son plus jeune fils s'en va parcourir le continent pour édifier sept tombeaux à l'image de ce que fut le vénéré -et aussi le haïssable -roi Tsongor.
Roman des origines, récit épique et initiatique, le livre de Laurent Gaudé déploie dans une langue enivrante les étendards de la bravoure, la flamboyante beauté des héros, mais aussi l'insidieuse révélation, en eux, la défaite. Car chacun doit s'accomplir, de quelque manière, l'apprentissage de la honte.
Comme le dit si bien la quatrième de couverture, La Mort du Roi Tsongor a certaines similitudes avec le drame de la ville de Troie et les amours malheureuses d'Hélène et Pâris. Toutefois, Samilia, pivot du drame, tiraillée entre deux prétendants (Sango Karim vs Kouamé), ne s'enfuira pas par amour, mais par devoir... (Mouai... J'avoue que j'aurais pas fait ça.)
Le contexte est un peu différent, lors de la Guerre de Troie, les Dieux "s'amusent" avec les humains. (Aphrodite, des promesses... Et paf! Le désastre!), tandis que dans la tragédie du Roi Tsongor, ce dernier provoque sa propre malédiction.
Hélène se fait enlever, Samilia choisit un camp... D'un côté les Dieux et la Destinée s'en mêlent, d'un autres les hommes sont responsables de leurs propres actes et sorts.
Hélène et Paris
(Charles Meynier)
Thèbes, Massaba... Même combat, même déchirement aveugle autour d'un héritage au goût de mort.
Les mots et les actes des différents protagonistes ont un poids énorme et chaque décision et parole entraînent ses propres effets.
La Mort du Roi Tsongor, c'est une tragédie, une vraie! Une qui déchire, fait souffrir, violente et mortelle.
"Et lorsqu'il referma les yeux du roi en passant doucement la main dessus, c'est une époque entière qu'il referma. C'est sa vie à lui aussi qu'il enterrait. Et comme une homme que l'on enterre vivant, il continua à hurler jusqu'à ce que le soleil se lève sur ce premier jour où il serait seul. A jamais seul. Et plein d'effroi."
Elle met en scène le désir, l'orgueil, la haine. (L'Amour aussi, mais franchement je l'ai presque trouvé accessoire, vu comment Samilia est complètement zappée du drame). Un véritable tourbillon de sentiments et d'émotions déferlent sur les personnages et le lecteur! Sous un prétexte qui se révèlera très vite fallacieux, deux camps vont impitoyablement se déchirer, incapables de retrouver la raison et inconscients de leur destruction annoncée. Leur folie leur fait oublier rapidement ce pour quoi ils prétendaient se battre, jusqu'à s’annihiler eux même en dépit de tout bon sens.
Laurent Gaudé propose un double récit entrecroisé, une quête mystique opposée au bruit et à la fureur de la guerre.
L'auteur a su manié avec art l'ambivalence de ses personnages. L'intérêt et la force de son roman tiennent à la psychologie travaillée des protagonistes. Le vieux Katabolonga et son attitude ambigüe auprès de ce roi autrefois haï ; ou encore Souba, le petit dernier, adolescent mu par son amour filial et qui se retrouve à assumer le fardeau colossal que lui a confié papa Tsongor (Quoi il ne pense qu'à lui? Euh... Je vois pas de quoi vous parlez); et enfin Tsongor, le plus ambivalent de tous, à la fois conquérant sanguinaire et sans pitié mais aussi un vieillard accablé par son passé et désespéré de ne pouvoir garantir la pérennité de son royaume et de sa dynastie (C'est un peu tard pour y penser, diront certains...).
La Mort du Roi Tsongor est un récit épique et fort bien mené par un auteur de talent. Toutefois, je regrette la part omniprésente des combats qui recommencent jour après jour et qui peuvent parfois lasser un peu le lecteur.
Un roman à découvrir pour ceux qui ne le connaissent pas ou à relire.
Commentaires
N'hésitez pas à commenter cet article !