jeudi 9 octobre 2014 Littérature

Le Liseur du 6h27 - Jean-Paul Didierlaurent

Je reprends une chronique que j’avais déjà publiée via Un Dernier Livre Avant la Fin du monde. En effet, une rencontre avec l’auteur est prévue le 10 octobre à la Librairie l’Esprit Livre (69003), et il est plus agréable de savoir de quoi l’on parle auparavant.

Afficher l'image d'origine

En quelques mots...

Guylain Vignolles est préposé au pilon et mène une existence maussade et solitaire, rythmée par ses allers-retours quotidiens à l’usine. Chaque matin en allant travailler, comme pour se laver des livres broyés, il lit à voix haute dans le RER de 6H27 les quelques feuillets qu’il a sauvé la veille des dents de fer de la Zerstor 500, le mastodonte mécanique dont il est le servant. Un jour, Guylain découvre les textes d’une mystérieuse inconnue qui vont changer le cours de sa vie…

A la poursuite des pages… 

Jean-Paul Didierlaurent est un romancier et nouvelliste. Il a découvert le monde de la nouvelle en 1997 avec un premier concours, avant de remporter de nombreux prix. Il a vu ses nouvelles publiées dans les recueils « Corrida de Muerte », « Arequipa » et « Le Frère de Péret » avant de remporter le prix Hemingway 2010 avec « Brume » et le Prix Hemingway 2012 avec sa nouvelle « Mosquito ». « Le liseur du 6h27  » (2014), édité au Diable Vauvert, est son 1er roman et rencontre à ce jour un vif succès.

Dès les premières phrases, on rencontre un homme qui vit dans l’ombre des livres, des pages, ces précieuses pages qu’il tente de sauver coûte que coûte, jour après jour. Guylain travaille à tuer les livres et ce labeur, digne d’un bourreau sans cœur, le ronge. Le pilon est diabolique. Tous les jours il se rend à un boulot qu’il déteste, qu’il exècre mais qui lui permet néanmoins de payer le petit appartement qu’il partage avec Rouget de Lisle, cinquième du nom, son poisson rouge.

« La Chose était là, massive et menaçante, posée en plein centre de l’usine. En plus de quinze ans de métier, Guylain n’avait jamais pu se résoudre à l’appeler par son véritable nom, comme si le simple fait de la nommer eut été faire preuve envers de reconnaissance, une sorte d’acceptation tacite qu’il ne voulait en aucun cas. Ne jamais la nommer, c’était là l’ultime rempart qu’il était parvenu à ériger entre elle et lui pour de pas définitivement lui vendre on âme. »

Notre héros tente de se racheter en arrachant le plus de page possible aux entrailles de la machine et en les réhabilitant… En les lisant dans le RER tous les matins. Au fur et à mesure, des personnes touchées par sa démarche se rapprocheront de lui (Il faut se méfier des grand-mères), jusqu’au jour où il découvrira caché à sa place habituelle des textes qui ne sont pas de son fait…Cette mystérieuse clé USB abandonnée sur un strapontin qui contient les pensées intimes d’une jeune femme, Julie, marquera le début d’une nouvelle aventure pour Guylain. A la lecture de ce journal, il tombera peu à peu sous le charme de la demoiselle et fera pour tout la retrouver…

Que dire? C’est frais, c’est doux, triste, puis heureux… ça se lit tout seul. Notre cœur suit l’histoire de ces pages, des découvertes et de la renaissance de Guylain avec plaisir et un inévitable soupçon de mélancolie.

L’écriture est claire, emplie de légèreté et donne un petit charme suranné à ce roman qui semble sortir de nulle part. Le récit s’apparente à une fable et ceux qui aiment ce genre littéraire seront ravis. La plume pleine de verve de Jean-Paul Didierlaurent sait maintenir le lecteur en haleine, avec des personnages tous hauts en couleurs et tous très romanesques, de notre héros à Yvon, l’amateur d’alexandrins qui ne s’exprime qu’en vers de douze pieds ! (même pour énoncer un règlement), sans parler de Guiseppe, cet italien au grand cœur qui consacre sa vie à retrouver ses jambes éparpillées dans l’édition des sept-cents cinquante-huit exemplaires de « Jardins et Potagers d’autrefois ». (Un peu surréaliste mais assez drôle et dramatique à imaginer.)

 Une lecture reposante et pleine de poésie.