Bien le bonjour en ces contrées !
Cela fait quelques temps que je n’ai rien écrit, mais c’était pour la bonne cause, car je lisais … L’Île du Point Nemo de Jean-Marie Blas de Roblès paru le 21 août dernier aux Éditions Zulma, avant ma rencontre avec le susdit auteur. (Rencontre du 17 septembre 2014 à la Librairie l’Esprit Livre. Encore et toujours ! Oui oui ma bonne dame ! Ça n’arrête jamais !) Je tiens à remercier les Éditions Zulma pour leur envoi ; c’est mon premier service presse !
Un voyage au bout du monde…
Roman d’aventures total, tourbillonnaire, conquérant, véritable machinerie de l’imaginaire où s’entrecroisent et se percutent tous les codes romanesques, la littérature populaire, entre passé historique et projection dans le futur, nos hantises programmées et nos rêves d’échappées irrépressibles.
Martial Canterel, richissime opiomane, se laisse interrompre dans sa reconstitution de la fameuse bataille de Gaugamèles par son vieil ami Holmes (John Shylock). Un fabuleux diamant, l’Anankè, a été dérobé à Lady MacRae, tandis que trois pieds droits chaussés de baskets de marque Anankè échouaient sur les côtes écossaises, tout près de son château Voilà donc Holmes, son majordome et l’aristocratique dandy, bientôt flanqués de Lady MacRae et de sa fille Verity, emportés pour commencer dans le Transsibérien à la poursuite de l’insaisissable (et un poil dangereux) Enjambeur Nô.
Par une mise en abyme jubilatoire, cette intrigue rebondissante vient s’inscrire dans les aléas d’une fabrique de cigares du Périgord noir où, comme aux Caraïbes, se perpétue la tradition de la lecture, à voix haute, des aventures de Jean Valjean ou de Monte-Cristo. Bientôt reprise par Monsieur Wang, voyeur high-tech, et fondateur de B@bil Books, une usine de montage de liseuses électroniques.
Avec une ironie abrasive, ce roman-tsunami emporte toutes les constructions réalistes habituelles et ouvre d’extraordinaires horizons de fiction. Cette folle équipée romanesque est aussi la plus piquante réflexion sur l’art littéraire, doublée d’une critique radicale des idéologies et de la gouvernance anonyme, tentaculaire, qui nous aliène jusque dans notre intimité.
L’Île du Point Nemo, le point de départ d’une imagination débridée
Ça va être assez court, car de nombreux éléments sont explicités dans la seconde partie.
L’Île du Point Nemo nous transporte dans notre futur proche où l'on s'exprime comme à la National Geographic Society des années 20’. Des machines fabuleuses s’ingénient à voyager sous la mer et au-dessus des terres, des magiciens d’un autre temps nous leurs tours, une île étrange peut apparaître et disparaître.
Ce roman est comme une sorte de kaléidoscope du monde et de la littérature de notre jeunesse. (Anamorphose) Ici, lire est une aventure à part entière, c'est un peu comme se retrouver happé par le plus grand des hasards dans un train pour une destination inconnue conduit par Jules Verne en personne!
Jean-Marie Blas de Roblès a une imagination débordante dans tous les domaines pour nous emmener loin, très très loin et il ne lésine pas pour nous plonger dans les méandres de nos souvenirs littéraires, de Dumas à Stevenson, d'Agatha Christie à Conan Doyle, et tant d'autres!
Ce livre est un petit bijou où tout un chacun prendra plaisir à se retrouver.
Jean-Marie Blas de Roblès, une rencontre sous le signe de l’imaginaire
Attention ! Spoil !
Le mercredi 17 septembre 2014, nous avons eu le plaisir de rencontrer Jean-Marie à la librairie L’Esprit Livre à Lyon pour un échange autour de son dernier roman.
Ivan (notre libraire préféré) : On cherche toujours le cru qui fera exploser les papilles et c’est le cas avec L’Île du Point Nemo ! (Bon… Une phrase et on a un avis tranché et plus que positif !) Mais… Qu’est ce que le point Nemo ?
Jean-Marie (JM pour les intimes) : Le point Nemo existe réellement ! C’est le point le plus éloigné de toutes terres émergées. Son appellation est une référence à Jules Verne et à son fameux Capitaine Nemo. J’avais la volonté de faire revivre le capitaine de 20 000 lieues sous les Mers dans ce roman, revivre la magie de la lecture à l’adolescence. J’ai tenté de créer un monde de l’adolescence, réécrire mon capitaine Nemo à moi.
Ivan : Nemo, fil conducteur, certes, mais on se perd rapidement dans pleins de directions différentes… Quels thèmes de départ ?
JM : La lecture dans les usines de production de cigare à Cuba, ce désir des employés de nourrir leur esprit … Flaubert, Stendhal… Les encyclopédies, la politique… Ça existait dans toutes les fabriques de tabacs jusqu’à l’arrivée de Fidel Castro. Au début, les lecteurs n’étaient pas là pour augmenter la productivité, mais pour créer un bagage littéraire, développer la réflexion, la conscience politique. Ces lectures ont œuvrés pour la révolution en lui offrant un terreau fertile pour prendre.
J’ai donc inventé une usine de tabac, qui a réellement existé dans la Drôme, mais transposée dans le Périgord. De là découle la rencontre et l’histoire entre Dulcie et Arnaud, avec la mise en place de l’usine, la lecture à l’intérieur de celle-ci, de la faillite… Faillite doublement dramatique quand on voit que l’usine est rachetée par un chinois, monsieur Wang, qui décide de produire des liseuses sous le nom de B@bil Book.
Suite à cette faillite, Dulcie, sous le choc, tombe dans une sorte de coma. Arnaud invente tous les soirs des chapitres d’un roman, qui lui lit ensuite, puis le lendemain aux ouvrières de B@bil Book. (Il est devenu lui-même lecteur après la faillite de son entreprise)
Deux mondes se confrontent, un monde pseudo-réel et un autre imaginaire. La limite entre les 2 reste très poreuse. Le but n’est pas de créer un jeu de piste. J’ai mis mille et une choses et chacun peut s’y retrouver selon son bagage littéraire. (Voir cinématographique ! vive les poulpes ! J ) Par exemple, Grimod de la Reynière a réellement existé. C’était un grand cuisinier et hurluberlu que j’ai remis à ma sauce. Quand à Clawdia Chauchat… C’était l’héroïne dont j’étais amoureux dans ma jeunesse. (On saura tout ! :) )
Ivan : L’Île du Point Nemo, c’est aussi un roman d’enquête autour du vol d’un diamant géant. Même là on peut se raccrocher à nos lectures ?
JM : On fait le tour du monde au ¾ et zut… Je ne me souviens plus de ce que je voulais dire… C’était quelque chose d’intelligent pourtant ! (rires)
Lectrice : Comment avez-vous tricoté le livre ? Vous saviez où vous alliez ?
JM : Oui ! J’ai besoin de savoir se déroulent mes histoires, comment elles se finissent… Mes murs étaient tendus de fils de nylon où étaient accrochés toutes mes notes, graphiques, dessins… Tels des storyboards.
Ivan : Toute à l’heure tu parlais de révolution ?
JM : Ah ! J’ai retrouvé ce que je voulais dire ! On est dans un monde d’uchronie, voir d’achronie. On est dans un monde post-industriel, et inversement à notre monde réel, ce sont les chinois qui délocalisent en France
Ivan : Tu abordes des sujets qui traversent notre vie actuelle, écologie, la polémique de la lecture numérique et bien d’autres…
JM : J’espère que tout ne se passera pas comme dans mon roman ! L’Écosse devient libre ! (rires)
Ivan : On a un système des poupées russes dans la lecture ; on joue en déplaçant des pions…
JM : Oui, c’est comme une partie d’échecs. « Vous acceptez de me suivre et on va aller vous amusez. »
Lectrice 2 : Il y a une grosse thématique du cirque, des bêtes de foire… C’est surprenant !
JM : Pas tant que ça quand n voit Arnaud créer son roman à partir de ses lectures, des faits divers qu’il réécrit. La question qui se pose est : « Qu’est ce qui précède la réalité de la fiction ? » (Ex : l’épisode de la baleine blanche)
Ivan : C’est un véritable hommage à l’humanité, aux lecteurs… On retrouve cela aussi dans d’autres de tes œuvres.
JM : C’est un beau compliment ça !
Ivan : Tu rends hommage à toute cette diversité.
JM : Moi, je suis d’abord un raconteur d’histoires. Je n’écris pas pour défendre quelque chose, comme par exemple l’écologie. Ce serait trahir la littérature. Je me considère plus comme un humaniste et ça transparaît lus ou moins malgré moi dans mes écrits. A la base, il y a 22 nouvelles comme les 22 atouts du tarot marseillais. Ensuite, j’écrirais 22 romans où l’on retrouvera les personnages des 22 nouvelles. La réflexion sur le paradoxe vérité versus fiction est un thème qui m’est très cher, comme l’anamorphose.
Lectrice 2 : La brièveté des chapitres et l’alternance des personnages donnent le tournis…
JM : C’était voulu ainsi. C’est une spirale qui aspire pour nous emmener jusqu’au point Nemo. Il fallait faire apparaître les personnages de façon stroboscopique. C’est l’effet du « train fantôme ».
Ivan : On sent que tu as un avis tranché sur le numérique…
JM : Le fantôme du neuf, ça fait partie du consumérisme actuel de la société, cette volonté de nous vendre des liseuses.
Moi : Vous avez des inspirations pour écrire ?
JM : Flaubert, Borgès et Thomas Mann, pour moi ce sont des monstres auxquels j’essaie de me mesurer (rires), voir de déboulonner. Flaubert pour la langue, Borgès pour sa façon de tout se permettre avec la littérature et Thomas Mann pour le « roman total », le « roman monde ». La Montagne Magique, je l’ai lu au moins 5 ou 6 fois.
Ivan : On a été nourri par Jules Verne et d’autres et c’est difficile de transmettre ça à des ados, il y a un très gros décalage.
JM : C’est devenu illisible pour eux. Ils vont apprécier ces œuvres, mais au cinéma, lorsque l’histoire est expurgée.
Ivan : Par exemple dans L’Île du Point Nemo, on voit Jules Verne, mais on pourrait y voir le courant steampunk, voir cyberpunk. (Passage du coq à l’âne). Ce qui fait le plaisir de lire ce livre, ce sont les passages humoristiques et égrillards.
JM : Je me laisse libre de tout écrire, car tout peut être écrit.
Ivan : On peut le lire et le relire et toujours découvrir quelque chose de nouveau.
Lectrice 2 : On sent une certaine jubilation lorsqu’on vous lit.
Lectrice 3 : Combien de temps d’écriture ?
JM : Pour ce roman, il y a 3 ans d’écriture et 1 an de préparation. Je tiens au travail de la langue, sans toutefois écrire un roman poétique. « C’est un travail de cinglé. »
Ivan : Quand on a travaillé à ce point là et qu’on livre le livre à son éditeur, comment se comporte l’éditeur ?
JM : Pour celui-là, il n'y a pas eu photo. Je l’ai envoyé 4 fois au fur et à mesure de l’écriture à mon éditrice. Elle ne fait pas de remarques lors de l’écriture, mais à la fin après une relecture, je lui demande un retour. Je lui fais confiance. A l’instar de Flaubert, j’essaie d’éviter les répétitions ; les « gros mots » ne doivent pas réapparaître avant 50 pages minimum.
S’ensuivit encore quelques échanges autour de l’édition, puis un apéro/dédicace fort agréable.
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