Meiringen, Suisse. Les pompiers dégagent l’accès à l’hôtel Baker Street. Cet hôtel, charmant et isolé, a été coupé du monde pendant trois jours à cause d’une avalanche. Personne n’imagine que, derrière la porte close, se trouve un véritable tombeau. Alignés dans les frigidaires, reposent les cadavres de dix universitaires.
Tous sont venus là, invités par l’éminent professeur Bobo, pour un colloque sur Sherlock Holmes. Un colloque un peu spécial puisque, à son issue, le professeur Bobo devait désigner le titulaire de la toute première chaire d’holmésologie de la Sorbonne. Le genre de poste pour lequel on serait prêt à tuer…
Pour lutter contre la déprime ambiante, Le Mystère Sherlock est idéal. Les dix amateurs de Holmes, comme beaucoup de passionnés, sont de gentils farfelus. Ajoutez à cela qu’ils sont universitaires, et que l’auteur, qui connaît bien son monde, fait de ce microcosme un portrait fidèle et décapant.
J.M Erre, un auteur de l'absurde
J.M. Erre, de son vrai nom Jean-Marcel Erre, a publié son premier roman "Prenez soin du chien" aux éditions Buchet-Chastel en 2006, une enquête loufoque mettant aux prises les locataires de deux immeubles jumeaux.
Ses romans, au rythme soutenu et à l'humour frisant l'absurde, sont une curiosité dans le paysage littéraire français qui a tendance à délaisser le genre. Ses récits sont publiés depuis ses débuts en 2006 aux éditions Buchet-Chastel. Depuis "Le Mystère Sherlock" paru en 2013, J.M. Erre a écrit "La Fin du Monde a du retard" en 2014.
Ce dernier obtient le Groprix de littérature grolandaise au Festival International du Film Grolandais de Toulouse. Il rejoint alors l'équipe des auteurs de sketchs de l'émission Made in Groland sur Canal +.
Actuellement, J.M. Erre vit à Montpellier et enseigne le français dans un lycée à Sète.
Le Mystère Sherlock, un fou rire assuré
Prenez garde maudits poirophiles ! Vous ne passerez pas !
Tel pourrait être l'introduction de ce roman de J.M. Erre.
Comme vous l'avez peut-être compris, les protagonistes de notre histoire sont de gentils doux dingues fans de Sherlock Holmes. Venus se ressourcer en Suisse, ils bavent postulent pour être nommés à la toute nouvelle chaire d'Holmésie créée à la prestigieuse Université de la Sorbonne.
Ainsi, nous découvrons avec plaisir (et fous rire) des personnages tous plus gratinés les uns que les autres ! Entre le professeur Bobo aux 3/4 sénile, la plantureuse Eva von Gruber, Gluck plus moche que bête ou encore Jean-Patrick Perchois (JPP3 pour les intimes) et nos autres participants, il y a de quoi s'interroger sur le devenir de la création de cette maudite ? chaire.
"H comme Holmésien : Mammifère bibliophile vouant une passion à Sherlock Holmes. Les spécialistes - à l'université et à l'hôpital - distinguent plusieurs catégories d'holmésiens. Les niveaux 1 à 3 désignent les amateurs du détective anglais créé par Arthur Conan Doyle en 1887. Ils aiment à lire et à relire les quatre romans et cinquante-six nouvelles qui forment le "Canon" holmésien, scrutent la sortie en librairie des innombrables pastiches consacrés à Holmes, et ne rechignent pas à s'aventurer dans les enquêtes des concurrents, Hercule Poirot ou Harry Dickson. Pour résumer, mis à part une tendance un peu pénible à s'exclamer à tout propos "Élémentaire mon cher Watson", ils sont inoffensifs.
Les niveaux 4 à 6 correspondent à des holmésiens initiés. Pour ces adulateurs du Canon, la frontière entre la fiction et la réalité se trouble par moments. On se met à privilégier le texte original en anglais, on se lance dans des analyses textuelles, on adhère à une "société holmésienne", on suit des colloques. Bref, on commence à fatiguer ses proches.
Enfin les holmésiens de niveaux 7 à 10 forment une caste à part. Pour eux, les choses sont claires : Sherlock Holmes a bel et bien existé et Conan Doyle n'était que l'agent littéraire du docteur Watson, biographe du détective londonien. A ce stade, la fiction n'existe plus, les écrits de Watson sont parole d’Évangile, l'étude des textes sacrés devient le centre de toutes les préoccupations, on s'attaque aux énigmes métaphysiques fondamentales comme la date de naissance de Holmes ou le nombre de mariage de Watson.
Et, dans le meilleur des cas, on essaie de prendre ses pilules tous les matins. "
Jubilatoire ! Ce serait le mot le plus juste lorsqu'on lit Le Mystère Sherlock.
Nos concurrents, enfermès bon grè mal grè dans l'hôtel, vont devoir déployer des trésors d'inventivités et d'intelligence pour pouvoir être choisis pour le poste tant convoité. (Si vous avez vu le film "Le Viager", y'a de l'idée !) Pourtant... rien ne va comme il faut et les catastrophes s'enchaînent, diminuant drastiquement le nombre des candidats. En lisant ce roman, on ne peut s'empêcher de penser aux "Dix petits nègres" d'Agatha Christie, mais en version complètement folle et déjantée, mâtinée d'humour noir.
Le Mystère Sherlock est un cocktail savoureux et explosif où se mélangent ici et là femmes hystériques ou complètement givrées, les hommes pédants ou peu sûrs d'eux-mêmes, des meurtres à la pelle (ou à coup de pelle ?), des cris et des soupçons, le tout arrosé de sang (ne pas lésiner sur la quantité) et saupoudré de quelques flocons d'humour... Riche en rebondissements et en retournements de situation, l'intrigue tient en haleine son lectorat de la 1ère à la dernière page.
Malheureusement, nos protagonistes trouveront la mort les uns après les autres lors de ce séjour glauque, farfelu et endiablé. Toutefois, si on suit un raisonnement "normal", la logique voudrait que le dernier survivant soit le meurtrier. Mais J.M. Erre a plus d'un tour dans son sac et le lecteur aura tout le loisir de parier sur qui est l'auteur(e) de ce carnage !
Véritable Cludeo à taille humaine, ce roman policier est tout simplement jouissif tant les jeux de mots sont hilarants et bien placés, tandis que l'ambiance caustique du chalet tient plus de celle d'un hôpital pshychiatrique !
Pour conclure : "Le meurtre moderne, c'est un peu comme la nouvelle cuisine : on va chercher des influences un peu partout, on fait des mélanges, et neuf fois sur dix, on est déçu. Là, on avait un bon vieux crime à l'ancienne, une valeur sûre. Le surin dans le palpitant, c'est le pot-au-feu du meurtre."
Auteur : J.M. Erre
Editeur : Pocket
Nombre de page : 264 pages
ISBN : 2266233556
Commentaires
N'hésitez pas à commenter cet article !