jeudi 8 juin 2017 Littérature

Diana Nikiforoff : De la Russie en révolution à la Cité interdite - Hélène Menegaldo

Diana Nikiforoff : De la Russie en révolution à la Cité interdite par Menegaldo

Nikolaïev, 1918. La Russie s'est effondrée sous les coups de la révolution. L'Ukraine est en proie à une terrible guerre civile. Diana Nikiforoff a quatre ans. Dans les années qui suivront, elle fera l'expérience de la violence aveugle, des épidémies, de la famine, de la disparition de ses proches. À dix ans, elle entame, seule, un long périple vers la Chine, où vit une mère qu'elle n'a jamais rencontrée. À Pékin, elle est témoin des conflits armés entre seigneurs de la guerre, découvre le faste des grands hôtels où elle côtoie aristocrates et diplomates, connaît ses premières amours. Avant de reprendre le chemin de l'exil, cette fois vers la communauté russe de Paris, où la Seconde Guerre mondiale vient une nouvelle fois fracasser son existence.
Ce destin inouï nous plonge dans les tourments d'un exil exemplaire : toutes les tragédies européennes du début du XXe siècle ont présidé à l'errance de Diana.
 

Hélène Menegaldo

 
Hélène Menegaldo se présente : "Après des études à l’École des Langues Orientales, de russe, pour compléter l'apprentissage de la langue entrepris en autodidacte, et d'hébreu, en vue d'une bifurcation ultérieure vers l'histoire des religions, elle obtient la licence, la maîtrise et l'agrégation de russe.

Son premier écrit sera sa thèse portant sur la poésie de Boris Poplavski, poète surréaliste russe mort à Paris en 1935. Ce travail, soutenu en 1981, est une première approche de l’œuvre et de la personnalité du "Rimbaud russe" et représente aussi une contribution à l'histoire culturelle de l'émigration russe.
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En 1972, se produit sa rencontre avec Paul Diel, psychologue autrichien ayant fui l'Autriche au moment de l'Anschluss et travaillant au laboratoire de l'enfant de Henri Wallon. L’œuvre de Paul Diel, publiée chez Payot concerne l'étude du symbolisme dans la mythologie grecque, la Bible, et dans les diverses productions de l'inconscient. C'est le début d'un travail qui durera une vingtaine d'années dans le cadre du Cercle d’Études Paul Diel après la disparition du psychologue en 1976.

La même année 1972  elle rejoint le Département d’Études Slaves de l'Université de Poitiers pour assurer un enseignement de traduction, de littérature et de civilisation russes.

C'est en 1984, grâce à une mission à l'Université de l'état d'Oregon, qu'elle réalise enfin un vieux rêve : mener un travail de recherche portant sur les communautés de Vieux-Croyants russes installés dans la région. Depuis, elle essaie de concilier ces différents intérêts comme en témoignent ses articles portant sur la littérature mais aussi la médecine, la psychologie et la psychiatrie en Russie et en URSS ainsi que mes travaux sur la diaspora russe."
 
 

Diana Nikiforoff, un destin tourmenté, reflet d'un monde en pleine mutation

 
Hélène Menegaldo à travers ce roman biographique paru aux éditions Vendémiaire, nous permet de revivre un pan de l'histoire du monde. En effet, le destin de sa mère, Diana Nikiforoff, est étroitement lié aux bouleversement socio-politico-économique du siècle dernier.
Rien ne lui sera épargné, depuis l'arrivée au pouvoir des bolcheviks en Russie et en Ukraine, puis celui du Kuomitang (différent des communistes !) en Chine pour ensuite finir en France où la crise de 29 puis la Seconde Guerre Mondiale apporteront leur lot de malheurs et d'angoisses.
 
Image illustrative de l'article Potemkine (cuirassé)
Le cuirassé Potemkine - Wikipédia
 
Entre roman et documentaire, ce récit nous propose un témoignage poignant et presque cru d'une époque en pleine mutation. Entre bouleversements politiques et crises sociales, notre héroïne va se retrouver ballotée bien malgré elle par les évènements.

Le roman se découpe en différentes parties qui alternent tour à tour : cartes, récits par période, calendriers des évènements, photos et même un arbre généalogique proposé à la fin de l'ouvrage.

Tout l’art (et la réussite !) de l’auteure est de nous parler par la voix et les souvenirs de Diana que celle-ci lui a transmis. Une mise en abîme narrative se met donc en place et permet d’appréhender avec plus de recul et (peut-être d'objectivité) la vie périlleuse de Diana. Les mots sont pesés et choisis avec soin, adaptés au niveau de sobriété du à son vécu et aux épreuves que Diana traversa toute sa vie.
Le roman introduit - en dehors des évènements historiques - d'autres personnages de la famille de Diana qui auront une grande importance directement ou indirectement sur sa vie. On peut penser à sa mère, Maria, femme complexe mais instable et à l'oncle Sergeï, trop tôt disparu.
Si les épreuves n'épargnent pas notre héroïne, il en va de même pour son entourage, qui lui non plus, ne s'en sort pas indemne. Cette accumulation va définitivement forger le caractère de Diana et orienter ses choix toute sa vie. Il faut dire qu'elle n'a que 4 ans lorsque le sort de sa ville Nikolaïev bascule, et pas bien plus de 10 à son arrivée en Chine.
Nous vivons l'Histoire à travers les yeux d'une enfant qui a perdu très tôt son innocence et qui pourtant garde un courage et une volonté de vivre exemplaires ! Il est difficile de s'imaginer à sa place et de ressentir toutes les peurs et privations qu'elle a vécu. Toutefois, l'auteure réussi avec brio à reconstituer la mémoire traumatique d’une enfant et à nous la partager, sans verser dans le mélodrame. (Cette lecture permet de relativiser sur nos propres petits bobos !)
 
"C'est là où j'ai vraiment compris à quoi tenait le charme si particulier de Paris que j'avais trouvée au début si sombre et si sale, exiguë, parfois sinistre : c'était une ville où il n'y avait pas de cadavres dans les rues au petit jour, où l'on ne passait pas la nuit à attendre l'arrivée d'une armée inconnue, où les têtes des pauvres hères décapités ne séchaient pas au soleil comme des fruits trop mûrs - une ville où l'on pouvait respirer, flâner, passer des heures sans crainte aux terrasses des cafés, une ville où l'on vivait à l'époque plus à l'extérieur qu'à l'intérieur, malgré le climat."
 
Image associée
Pékin dans les années 1920' - Monovision
 
Ce roman est très bien écrit et la plume sobre d'Hélène Menegaldo permet un voyage dans le temps sans fards ni faux semblants. Diana Nikiforoff - De la Russie en révolution à la Cité interdite est un récit biographique et historique fort. Ainsi, les évènements décrits ravivent notre mémoire parfois oublieuse en nous plongeant dans ce passé pourtant pas si lointain.

Une œuvre qui ne peut laisser indifférent.
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Paris dans les années 1930 - Dona Rodrigue
 

Diana Nikiforoff : De la Russie en révolution à la Cité interdite par Menegaldo

Auteure : Hélène Menegaldo
 
Éditions : Vendémiaire
 
Nombre de page : 204p
 
ISBN : 978-2-36358-250-8