jeudi 13 avril 2017 Littérature

Boudicca - Jean-Laurent Del Socorro

Angleterre, an I. Après la Gaule, l’Empire romain entend se rendre maître de l’île de Bretagne. Pourtant la révolte gronde parmi les Celtes, avec à leur tête Boudicca, la chef du clan icène. Qui est cette reine qui va raser Londres et faire trembler l’empire des aigles jusqu’à Rome ?

À la fois amante, mère et guerrière mais avant tout femme libre au destin tragique, Boudicca est la biographie historique et onirique de celle qui incarne aujourd’hui encore la révolte.



Jean-Laurent Del Socorro

Jean-Laurent Del SocorroAprès Royaume de vent et de colères, premier roman ayant reçu le prix Elbakin.net 2015 et dont le succès ne se dément pas, Jean-Laurent Del Socorro revient nous conter une légende; celle de Boudicca, une héroïne symbole d’insoumission !

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Contexte historique

Boudicca ( en latin) ou Boadicée, a vécu vers 30 à 61 ap JC. C'est une reine du peuple britto-romain des Iceni présent dans la région qui est aujourd’hui le Norfolk au nord-est de la province romaine de Bretagne, au Ier siècle après J.C. Elle fut l'épouse de Prasutagos.

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Ci-dessus, une carte avant la conquête romaine (wiki)

Les sources mentionnant Boudicca sont très peu nombreuses. Nous la connaissons uniquement grâce aux écrits de Tacite, qui la cite brièvement dans Agricola, et plus longuement dans les Annales, et de Dion Cassius dans son Histoire romaine.

Il y a très peu d'éléments biographiques et ces derniers sont particulièrement épars. Les versions de Tacite et de Dion Cassius diffèrent sur nombre de points. En effet, pour Tacite, Boadicée est la reine des Iceni ; alors que Dion Cassius note simplement qu'elle est de race royale. D'après Tacite elle est la mère de deux filles ; tandis que Dion Cassius ne mentionne rien à ce sujet.
Les deux auteurs divergent également sur la cause de sa mort : par le poison selon Tacite, de maladie selon Dion Cassius. De plus, s'il on en croit Dion, elle agissait non seulement en chef de guerre mais également en prêtresse.

Crédits photo : https://heroinesofhistory.wikispaces.com/Boudicca

L'historien grec Dion Cassius est le seul à avoir dressé un portrait de Boadicée/Boudicca : « grande, terrible à voir et dotée d'une voix puissante. Des cheveux roux flamboyants lui tombaient jusqu'aux genoux, et elle portait un torque d'or décoré, une tunique multicolore et un épais manteau retenu par une broche. Elle était armée d'une longue lance et inspirait la terreur à ceux qui l'apercevaient. ». Toutefois, il est impossible de dire si cette représentation correspond à la réalité. (wiki)

Le territoire de Britannia a subi des invasions romaines successives. C'est le gourverneur Paulus sous le règne de l'Empereur Claudius qui fini par défaire les Trinovantes et les Atrébates pour installer la capitale de sa colonnie en lieu et place de Camulodunum capitale de l'Ogre Cunobelin.
Cette première défaite et cet outrage faits aux clans bretons seront les prémices d'une lutte longue et acharnée. De larvée, elle finira par éclater au grand jour suite aux traitements toujours plus humiliants infligés par Rome sur son protectorat.

Description de cette image, également commentée ci-après

Boudicca, l'insoumise

"J'ai trop longtemps cru que les Icènes suivaient leur roi. Je me trompais : ils regardaient leur reine. Je ne représente que la paix raisonnable qui apaise leur faim. Toi, tu incarnes cet espoir insolent qui fait battre leur sang."

Pour son second roman, Jean-Laurent Del Socorro reste dans l'Histoire et remonte encore plus loin dans celle-ci que son précèdent récit. En effet, Royaume de Vent et de Colères se passe en 1596 quelques années après la sanglante nuit de la Saint Barthélémy.

Nous suivons l'évolution d'une femme, une reine, une héroïne : Boudicca, de son enfance à sa mort. Fille du roi du clan des Icéni, elle est élevée en tant que telle. Apprentissages druidique et politique, tout autant que celui du maniement des armes.
Dès sa naissance à Gogmagog, elle doit trouver sa place dans un monde en pleine mutation, où la guerre et la mort est omniprésente. Privée de sa mère, elle devra grandir seule entourée de sa fidèle suivante Ysbal et de son "brater" Caratacos et de son mentor, le haut druide Prydain. Jeune fille têtue et orgueilleuse, elle se heurtera à des vérités qui la feront grandir et mûrir. Même si le lecteur peut ressentir une certaine pitié (ou de l'agacement) face à son comportement, elle n'a pas le choix. C'est vivre ou mourir.
Son caractère entêté peut parfois énerver. C'est d'ailleurs le cas de son père, le roi Antédios, qui ne sait pas comment réagir avec elle et qui ne s'en occupe quasiment pas. La perte de sa femme, "Les Deux Andraste" l'ayant tellement affecté, il laisse le royaume et sa fierté partir à vau-l'eau. Mais un roi faible n'a pas sa place et c'est avec soulagement que le peuple voit Boudicca monter sur le trône en compagnie de son mari Prasutagos.

A l'époque, les femmes pouvaient régner et diriger leur peuple autant que les hommes !

Pourtant, l'heure de la révolte n'a pas encore sonné... Prasutagos enclin à la diplomatie noue des liens marchands avec les romains et une paix relative s'installe. Les Icéni deviennent un protectorat romain. Notre douce reine ronge son frein et fulmine d'avoir du courber l'échine. Toutefois, ces accords apportent une relative aisance qui n'existait pas auparavant et les romains plutôt tolérants acceptent que les Icéni gardent leurs propres dieux. De plus, les romains amènent avec eux des techniques pour cultiver la terre qui n'avait pas cours à cette époque au sein des clans. Un réel progrès de ce côté là !
Mais cette paix ne saurait être durable. Car, c'est sans compter les coups du sort. La mort de l'empereur Claudius, rapidement remplacé par Néron (que l'on connaît de sinistre réputation) va chambouler quelques peu l'équilbre politique précaire qui s'était créé.

Nouvel Empereur, dit nouveau général dépêché manu militari pour mater ces irréductibles gaulois fauteurs de troubles et sauvages qui refusent le joug total de Rome.
Non mais ! Franchement ! Ils devraient être heureux d'être assujettis et saignés à blanc pour la gloire de l'Empire !

Ni une, ni deux, Boudicca a enfin l'excuse pour se rebeller !
Mais où ses actes la mèneront-elle ? Pourra-t-elle libérer son peuple ?

Tiraillée entre ses devoirs de mère et d'épouse, sa soif de liberté et de combats, Boudicca devra faire des choix.
On peut la trouver égoïste, sans coeur et sans scrupule. Mais, il faut s'imaginer ce qu'elle vivait, à quelle époque et surtout... Qui elle était.

"Rome répand des citoyens identiques à travers le monde alors que nous n'existons que par nos différences."

Boudicca ne relate pas seulement des combats mais aborde aussi le choc culturel de ces peuples celtes confrontés à un autre antagoniste. Le druidisme, leurs dieux, leur langue, leur façon de s'affronter entre clans, autant de facettes et de différences avec l'envahisseur. Une confrontation qui crée une ambiance et apporte une dimension humaine à cette fresque historique et légendaire et permet de s'imaginer un tant soit peu les bouleversements qui s'opèrent à cette époque en Europe.

Côté plume, l'écriture de Boudicca est très différente de Royaume de Vent et de Colères, mais tout aussi prenante. Nous n'avons plus de multiple points de vue et des chapitres en fonction des personnages, toutefois, nous sommes aux premières loges pour vivre au rythme de la vie épique de Boudicca.
On la sent bouillir devant les multiples affronts faits à son peuple, son impatience et ses sentiments sont palpables au travers des mots de Jean-Laurent Del Socorro qui a su dépeindre cette reine tout feu tout flamme !

A noter, que nous avons moins de mysticisme que dans les récits de Jean-Philippe Jaworski avec sa saga Rois du Monde ou encore la trilogie de La Voie des Oracles d'Estelle Faye.

Le roman de Jean-Laurent Del Socorro est plus qu'un récit, c'est une peinture aux couleurs de la liberté.

Découvrez sans plus tarder le destin de cette reine exceptionnelle !

"Une bourrasque plus forte que les autres balaye le nuage de cendres et de poussières mélangées. La lune est enfin visible dans le ciel. Que voit-elle ? Un peuple qui trébuche. Et qui se relève."

 

 

Auteur : Jean-Laurent Del Socorro

Editeur : ActuSf

Collection : Bad Wolf

Illustrateur : Yana MOSKALUK

Nombre de page : 280 p

ISBN : 978-2-36629-837-6