« Sénéchal, la ville est assiégée ! »
Telle est la phrase que l’on m’a jetée sur le coin de la goule. Depuis, tout part à vau-l’eau. Oui, tout, alors que ce siège pourrait se dérouler selon les lois de la guerre, selon la noblesse de nos rangs, selon la piété de nos âmes. Nenni.
Lysimaque, la Ville aux Fleurs, fière capitale du royaume de Méronne, est encerclée et menacée par une mystérieuse armée. Et pour le sénéchal Philippe Gardeval, ce n’est que le début des ennuis. Suite à l’empoisonnement d’un dignitaire de la cité, il découvre que l’ennemi est déjà infiltré au sein de la cour, dans leurs propres rangs ! Sous quels traits se cache le félon ? Parmi les puissants, les ambitieux et les adversaires politiques ne manquent pas ; le sénéchal devra alors faire preuve d’ingéniosité pour défendre la ville et sa vie dans ce contexte étouffant d’intrigues de palais.
Gregory Da Rosa, une nouvelle plume de la fantasy historique française
Grégory Da Rosa, montpelliérain de 26 ans, est un passionné d’Histoire médiévale et de littérature de l’imaginaire. C'est ainsi, que tout naturellement, il a souhaité entremêler ces deux thèmes dans ce premier tome d’une trilogie.
Des œuvres de réfèrences l’ont influencé comme la gouaille et la désinvolture du sieur Benvenuto de Gagner la Guerre de Jean-Philippe Jaworski, l’intrigue policière du Nom de la rose d’Umberto Eco ou encore le vocabulaire élégamment vieilli des romans de Pierre Naudin.
Philippe Gardeval, un Sénéchal hors norme
Un roman de fantasy à l'intrigue enlevée et efficace !
Le monde - contexte
Un univers pour le moins étonnant ! Un monde où les hommes côtoient les anges et les démons.
En effet, quelques milliers d'années auparavant les planètes Terre, Paradis et Enfer se sont malheureusement rencontrées et paf ! ça a fait des chocapics !
Dieu, Yel, dans sa grande mansuétude a rassemblé les survivants sur un même territoire... Plat ! Pour le meilleur et pour le pire.(Personnellement, j'ai directement pensé à la représentation du monde dans Astérix.)
Chaque peuple vit sur un territoire bien à lui. Même si l'on comprend rapidement que les démons aimeraient bien étendre leur domination sur le royaume de Castelwing de Lysander et pourquoi un peu pas plus ; Tandis que la république d'Ether, nouveau royaume des cieux se mêle assez peu des affaires des autres, mais jusqu'à quand ?
Un statu-quo fragile ne demandant qu'à se rompre.
Qui fera montre, en premier, d'un esprit de conquête assez fort et déterminé pour briser cet équilibre ?
Le récit
Grégory Da Rosa a pris le parti de relater les évènements se déroulant à Lysimaque, la Ville aux Fleurs, de façon chronologique.(A noter Lysimaque est le nom d'un général grec mais aussi d'une fleur !) Les chapîtres sont les jours de siège et ces derniers sont découpés en fonction des heures (messes ?) rythmant la journée. Ce choix narratif égrenant les heures, pousse le lecteur à ressentir l'anxiété des assiégés et éxacerbe les réactions des personnages face à cette situation inconfortable mais pas encore désespérée.
"Je serrai les rênes de mon destrier avec fébrilité. Le temps était comme suspendu et même l'air ambiant semblait s'être arrêté. Nulle brise, nul mouvement. Nous étions comme les personnages d'un tableau, figés par le pinceau du peintre juste avant le massacre."
Le petit plus ? Une narration en "presque" vieux français pour une immersion totale dans cet univers, avec pas mal de notes en bas de pages traduisant ou expliquant divers termes utilisés (en habillement, guerre ou encore langage courant). J'apprécie particulièrement ce genre de roman qui en plus d'une histoire prenante, apporte une touche de culture historique. (il faut dire que les années de fac où j'étudiais le vieux français s'éloignent !)
Pour les âmes sensibles, notre héros est un homme d'arme, certes bien placé, mais il reste un homme de guerre. Donc il ne faudra pas s'étonner d'un langage fleuri voir cru dans la bouche d'icelui ! Tous ces détails, le vocabulaire écrit et oral, ou encore les caractères des personnages amplifient ce sentiment de réalité. On sent la sueur, le crottin de cheval tout autant que les relents de peur qui exalent de la ville et de ses habitants.
"- Vous avez tout l'temps la même trogne quand vous réfléchissez, Sénéchal. le front plissé, la bouche qui s'pince, l'regard fixé vers un point de l'horizon que seul l'dieu peut voir. Le roi manque de gens comme vous, m'est avis. Si tous étaient aussi réflèchis, y aurait moins de décisions couillonnes qui s'raient prises.
- Eh bien... merci, mon brave.
- M'remerciez point, c'est foutrement vrai. Pourtant l'roi est pas un mauvais roi, ça non. Mais vous savez ce qu'on dit ; la valeur d'un souverain se juge sur l'intelligence d'ses conseillers. Et dans le marché des grands offices d'la couronne, y a qu'vous pour augmenter le prix des conseils. Les autres vendent du navet quand vous vendez du safran, pour sûr. Arrêtez d'vous faire du mauvais sang parce que celui-là n'est point bleu. A quoi ça sert d'avoir le plus étal si on y vend que d'la merde ?"
Les personnages
Philippe Gardeval : Grand Sénéchal. D'origine rôturière, il a été élevé dès son plus jeune âge avec le roi Edouard, et il lui voue une indéfectible loyauté. Au vu des élèments du récit, je lui donne dans les 45/50 ans. Si on se place dans un contexte médiéval, il a un âge déjà avancé et celà se ressent tout au long du roman. C'est un homme fatigué de corps et d'esprit. Pourtant il refuse de se laisser totalement abattre et de plier face au poids de ses responsabilités et des ans. Il est très attaché à la princesse Sybille qui lui rappelle la défunte reine Pénélope. Il est aussi le père du jeune et prometteur Charles Gardeval.
(Pour ceux qui on lu Royaume de Vent et de Colères de Jean-Laurent Del Socorro aux éditions ActuSf, Philippe me fait penser au personnage du Chevalier Gabriel.)
Le Roi Edouard VI : Il a un petit côté Robert Barathéon mais sans la famille de taré qui va avec ! Surnommé "Edouard le Sanguin", il est prompt à la colère mais il a un bon fond et écoute souvent les conseils prodigués par ses hommes de confiance (c'est à dire quasiment que son Sénéchal). Du genre costaud et droit (voir tétu pour son caractère), il refuse tout net de se rendre face à Démosthène et Lysander. Saura-t-il guider son royaume à travers cette crise ?
La princesse Sybille : La jeune princesse du royaume a un caractère bien affirmé et n'hésite pas à être en première ligne, voir à se battre. Une jeune personne loin du cliché de la princesse en jupons. Toutefois, cela n'en fait pas une héroïne dure et sans coeur et souvent des émotions très humaines et compréhensibles refont surface.
Othon de Lygias : Le tout nouveau Chancelier. Prompt à soupçonner tout ce qui bouge et surtout Phillippe Gardeval, avec qui il est comme chien et chat, on ne ressent que peu d'empathie pour lui. Il clame régulièrement sa loyauté envers Edouard, mais est-il si fidèle qu'il veut nous le faire croire ?
Roufos : Le héraut. Force de la nature, bon vivant et bon escrimeur, il remonte régulièrement le moral de Philippe. Sous des dehors un peu frustre, il fait montre d'un esprit d'analyse tactique et émotionnel très fin et subtil. C'est un personnage haut en couleur et toujours de bonne humeur, qu'on se plaît à suivre lors de ses interventions aux côtés du Sénéchal.
Agathon de Soriac (les capellas) : Les preux parmi les preux, la garde lige du roi. Agathon est le chef de la garde rapprochée du roi, les capellas, des escrimeurs de grand talent. Un homme fort et loyal. Comme Philippe, l'âge se fait parfois sentir, mais il en fait fî et est toujours en première ligne, preux et vaillant.
Bonniface III : Il est l'archisyncre et le chef moral de l'église du Syncre de Méronne. Un personnage froid mais qui recèle quelques surprises.
Lucretius (et les chevaliers du Syncre) : Il est le chef armé à la tête des Syncraliers (autres noms des chevalier du Syncre). Un personnage intéressant et pour le moment loyal à la couronne. Je suis curieuse de plus le découvrir car j'apprécie son comportement fait de noblesse et de loyauté. Lors des combats, il n'est pas le dernier à se battre et à l'air de ne pas être mauvais tacticien. Ses hommes le suivent et lui obéissent.
Jules Hermion : Le chapelain de la Cour de Lysimaque. D'un abord affable et discret, celui-ci cache des dents longues et affûtées. C'est un personnage auquel on s'attache assez peu. (En fait, je le sens pas du tout !)
Myr Gilmenas : Le Mage. Un homme de prime abord éffacé voir inutile mais qui possède plus d'un tour dans son sac et se révèle bien moins faible qu'il n'y paraît. Les pouvoirs des myrs restent toutefois très mystérieux.
Rodenteux : Fameux architecte de la Cour, c'est lui qui annonce la mauvaise nouvelle à Philippe. On le retrouve régulièrement au fil du récit. Mais celui-ci a le chic de souvent disparaître au mauvais moment... Conincïdence ?
Démosthène et Lysander : Les assiégeants. Démosthène est un des quatre Séraphins à la tête de la République d'Ether. Il a décidé de conquérir le monde et a déjà assujetti (de grè ou de force) le jeune roi Lysander de Castelwing. On ne sait pas si le reste du gourvernement d'Ether est au courant de ses agissements et les cautionne. Au sujet du roi Lysander, il y a assez peu de chose à dire car on ne sait pas jusqu'où il est maître de son libre arbitre. (Un séraphin est d'habitude représenté comme ceci.)
Roman de guerre, abordant tout autant les jeux politiques et religieux, Sénéchal est un excellent roman de fantasy historique dont je suis curieuse de connaitre la suite.
Loin d'une Cour emplie de paillettes et de faste, ce roman, premier tome d'une trilogie ravira les amateurs de fantasy sombre et un peu "sale". (Dans la même veine, vous pouvez lire : Les annales de la Compagnie Noire de Glenn Cook)
Si vous aimez, ces romans sont faits pour vous :
- Le Bâtard de Kosigan - L'ombre du pouvoir - Fabien Cerutti
- Le Bâtard de Kosigan - Le fou prend le roi - Fabien Cerutti
- Royaume de Vent et de Colères - Jean-Laurent Del Socorro
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Auteur : Grégory Da Rosa
Editeur : Editions Mnémos
Illustrateur : Lin Hslang
Nombre de page : 320p
ISBN : 978-2-35408-534-6
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