mardi 31 mars 2015 Rencontres

Poisons et Polar - Part I

Ou comment s’entretuer gaiement à travers les siècles !

Bien le bonjour ! Je reviens aujourd’hui avec un petit compte rendu d’une conférence à laquelle j’ai assisté dans le cadre du festival « Quais du Polar » à Lyon le week-end dernier. L'article promettant d'être long, je le scinde en deux parties, une première retraçant l'histoire des poisons à travers les siècles jusqu'au 19ème, siècle où la toxicologie acquiert ses lettres de noblesse, et une seconde où poison et polar se rencontrent.

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C’est donc avec entrain que je me suis rendue sur le magnifique site de Rockefeller de l’Université de Médecine Lyon 1 et son charmant (hum hum) dédale de couloir. Après quelques pérégrinations, j’ai découvert le fameux amphithéâtre où déjà nombre de personnes étaient présentes pour la conférence de Philippe Jaussaud, professeur (et chercheur) en Histoire, Philosophie et Didactique des Sciences, à ladite Université.

Lyon a, par le passé, connu de grands toxicologues dont les sieurs Beauvisage, Cazeneuve et Barral.

De tous temps le poison a fasciné et inspiré nombres d'auteurs! Et à raison! Il faut dire que l'Histoire fournit moult cas d'usages de substances plus ou moins licites à des fins... Plus ou moins innocentes.

En effet, les poisons d’origines naturelles sont (semble t'il) les plus dangereux. On peut les catégoriser de façon rapide comme ci-dessous:

- les plantes (ex : La digitale)

- les champignons (ex: ergo de seigle)

- les animaux (ex: les serpents)

- les minéraux (ex: arsenic)

"Le poison a une histoire. Il est un marqueur de l'Histoire."    P. Jaussaud

On peut suivre l'histoire des poisons à travers la pléiade de roman policier moderne ou historique. Un mélange s'opère entre histoire vraie, histoire du poison et histoire historicisée (ouf! vive l'allitération!).

Il existe une thèse fort intéressante de Régis Messac sur l'interaction roman policier vs poisons, celle-ci s'intitule le "Detective Novel" et l'influence de la pensée scientifique.

Il y a quelques siècles... Dans l'Antiquité

Ah! Qui n'a pas connu ou entendu parler des Ptolémée?! Cette fameuse famille grecque qui a essaimé en Égypte et dont la célèbre Cléopâtre est l'ultime descendante?

Cette dernière s'est toujours beaucoup intéressée au poisons et n'hésitait pas à les tester sur ces esclaves et à observer les résultats. (Un  passe temps tout à fait charmant!) Elle finira elle-aussi par se suicider via une charmante bestiole vipère.

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Roman : Lynda S Robinson - L'Agent du Pharaon

Après, les poisons ptolémaïques, on passe à la Grèce Antique. Un endroit charmant, mais où on déconne pas avec le pouvoir et surtout les idées. Socrate reste l'exemple le plus marquant. Il devra se suicider par absorption de poison(ciguë, famille des alcaloïdes).

Le poison devient un instrument politique à part entière.

Afficher l'image d'origineMort de Socrate - David

Romans : Ignacio Garcia-Valiño - Les deux Morts de Socrate Olivier Gaudefroy - Poison au Gymnase (jeunesse)   Enfin... Si on cause, poison, on se doit de parler de Rome! Cette tendre (et sanguinaire) Rome...

Bon... A Rome, c'est le festoche; tout le monde s’assassine et s'entretue à qui mieux mieux, et sans détrôner le bon coup d'épée, le poison n'est pas en reste.

Un des exemples le plus flagrant, est l'assassinat de l'Empereur Claude par Agrippine (les autres autour : Néron, Octavie... meurent par le fer en général).

Romans :

Béatrice Nicodème - Les poisons de Rome

Jean Racine - Britannicus

Et enfin, Mithridate, un pauvre bougre tellement stressé par les empoisonnements qu'il en ingurgitait tous les jours. Seul soucis, comme il pensait être immunisé, il a du se suicider par le fer... Ballot...

Dans l'Antiquité, ce sont généralement les poisons d’origine végétale qui ont la côte. L'aconit est un poison cardiaque, c'est à dire qui provoque des symptômes directement sur l'organe. L'opium est aussi déjà présent à cette époque. ( Anne Leseleuc - Le trésor de Bouddica)

Quelques années plus tard, au Moyen-âge... Ambiance au top!

Romans:

Marc Payet - Le poignard et le poison (Haut Moyen-âge)

Maurice Druon - Les Rois Maudits (Sexe, poisons et assassinats!) Cette saga est très connue et a fait l'objet d'un feuilleton télé il y a quelques années et n'a rien à envier à Games of Throne.

A cette époque, les assassinats politiques continuent gaiement, mais les crimes crapuleux s'invitent aussi de la partie! (qui n'a jamais rêvé d'éliminer belle-maman pour l'héritage?)

Ellis Peters - Le capuchon des moines (Jeu de mot avec la forme de la fleur de l'Aconit)

Paul Harding - La Galerie du Rossignol (C'est la Belladone qui est employée ici. Faut varier les plaisir!)

Afficher l'image d'origineDétail du triptyque de Hieronymus Van Haken

L'ergot de seigle est une valeur sûre. C'est un poison champignon qui touche les plus pauvres. Les méfaits de ce poison sont souvent représentés en peinture sous la forme d'un immense incendie (lié aux symptômes ressentis, brûlures, membres qui poussent ou tombent etc) que Saint Antoine est sensé venir éteindre.

La Renaissance, ou l'époque Moderne : la découverte du monde

Comme on a tendance à s'ennuyer et à se lasser d'ennuyer les autres, on décide d'explorer.... Et de ramener de nouveaux produits sympas.

En autre, certains poisons végétaux exotiques font leur apparition : curare, quinine ou encore la feuille de coca.

Il est à noter que le curare a été surnommé la Mort Volante, à cause de son utilisation sur les petites fléchettes des sarbacanes. Sir Walter Raleigh, ministre d’Élisabeth 1er (Angleterre) ramena cette sympathique substance des Amériques.

Romans :

Henri Cauvain - L'aiguille qui tue

Michèle Barrière - Meurtres à la Pomme d'Or (poison = Datura)

William Shakespeare - Hamlet (Cette pièce peut être considérée comme un pseudo roman policier. En effet, Hamlet ne sait pas que son oncle a tué son père en lui versant du jus de jusquiame dans l'oreille...)

Après Philippe le Bel et sa chouette famille (Les Rois Maudits), les Tudors reprennent le flambeau haut la main en Angleterre!

A la Renaissance, un type de personnage fait son apparition : le médecin / alchimiste! (Cool! On peut choisir deux classes et switcher entre!).

Le plus emblématique est Paracelse, un médecin suisse très... Novateur! Celui-ci est à l'origine de la devise des toxicologues:

"Sola dosis venenum facit." ou "Seule la dose fait le poison."

Le poison est ambigu... Trop de médicament peut tuer et peu de poison peut soigner.

Le Grand Siècle, rififi à la cour du Roi!

Le Grand Siècle, siècle du règne de notre bon roi Soleil, Louis 14, se verra éclaboussé par un super scandale! On cherche à empoisonner (soumettre amoureusement) le roi à coup de potions plus ou moins recommandables.

On passe sous silence les règlements de compte entre rivales, ou rivaux.

 

Des têtes tombent et des sorcières apparaissent. La plus connue reste La Voisin, brûlée en place publique. Le poison prend une dimension féminine.

Cette petite aventure, permettra à Louis le Quatorzième, de commencer à poser les bases de la législation sur les substances et poisons.

Lumières! Où sont passés les poisons?

Lors du siècle des Lumières (18ème), les poisons se font étonnamment discrets.

On voit apparaître les prémices de la médecine légale. (Tessa Harris - Meurtres à Oxford)

Un homme, Antoine-François Desrues, défraiera tout de même les chroniques de son époque, en empoisonnant toute la famille de son créancier. (Ouai des fois les dettes tapent sur le système de certains...)

Après, ces quelques considérations historiques, je vous prépare la suite.

En effet, à partir du 19ème siècle la toxicologie devient une sciences à part entière... Et le 1er roman policier fait son apparition.